L'ICC et le RCIP se racontent

Ela Keyserlingk: restauratrice de textiles

Episode Summary

Ela Keyserlingk est une restauratrice de textiles à la retraite ayant travaillé à l'ICC de 1976 à 1997. Originaire de l'Allemagne, c'est d’abord l'amour qui l’a amenée au Canada, mais c'est la curiosité et la détermination qui l'ont ensuite incitée à faire un stage à l'ICC, qui s'est ensuite transformé en une carrière passionnante. Dans cet épisode, vous entendrez Ela raconter ce qu'elle a vécu en travaillant sur certains des objets textiles les plus importants du Canada.

Episode Transcription

Ela Keyserlingk: restauratrice de textiles

Durée : 00:45 :04

[Musique: « We Don’t Know How it Ends » de Lee Rosevere, tirée de son album Music for Podcasts 6. Style : minimalisme électronique]

Ela Keyserlingk (EK) : Je me souviens, on m’a envoyée avec Jane Holland. On nous a envoyées à un musée à Mirachimi. Nous étions toutes les deux restauratrices de textiles et finalement c'était le Musée des scies à chaîne !

 

NNM : Je m’appelle Nathalie Nadeau Mijal et voici L’ICC et le RCIP se racontent.

Ela Keyserlingk est une restauratrice de textiles à la retraite qui a travaillé à l'Institut canadien de conservation (ICC) de 1976 à 1997. Originaire d'Allemagne, c'est l'amour qui a amené Ela au Canada pour la première fois. Mais c'est la curiosité et la détermination qui l'ont amenée à faire un stage à l'ICC, qui s'est transformé par la suite en une carrière fascinante de restauratrice de textiles. Dans cette entrevue, vous allez entendre Ela nous raconter ce qu'elle a vécu en travaillant sur certains des objets textiles les plus importants du Canada. J'ai demandé à JP Davidson, qui travaille sur le balado en coulisses, de m'aider pour cette entrevue. Nous avons commencé par demander à Ela ce qu'elle savait de la conservation avant de se plonger dans le domaine.

[La musique s'estompe].

EK : En fait, je ne connaissais rien du tout. Quand j'étais à l'université, j'accompagnais parfois mon père dans son voyage de recherche dans la région de Monte Gargano, qui se trouve au bord de la mer Adriatique, et il y faisait des recherches sur une un lieu de pèlerinage qui avait été utilisé par les Grecs, les Romains et les Chrétiens, et j'ai eu des ennuis avec mon père parce que nous avons trouvé, dans une vieille étable à chèvres, une tête romaine couverte de fumier et j'étais toute excitée, alors nous avons demandé au fermier : "Qu'est-ce que c'est?’ Et il a dit : ‘Oh! Vous l’aimez? Je vous le donne!’ Par contre, mon père m'a tout de suite dit que je n'avais aucune chance de l'obtenir et que c'était vraiment... c'était un bien culturel et un bien culturel non enregistré ne peut pas être sorti du pays et qu’il perdrait tous ses permis de séjour et de recherche dans ce domaine. J'ai donc dû laisser ce beau jeune Romain derrière moi. C'était la première fois que je me rendais compte que c'était une chose importante, un bien culturel, même s'il se trouvait dans une chèvrerie. C'est donc la première fois que je me suis rendu compte qu'il y a plus de valeur que le simple fait d'être joli.

 

NNM : Et quand vous dites tête romaine... tête de statue, non ?

 

EK : C'était un buste ! C'était un buste, oui. Oh, ce n'était pas un vrai, non je n'aurais pas écouté mon père si ça avait été un vrai!

 

NNM : Et quel âge aviez-vous à cette époque ?

 

EK :  Je devais avoir environ 20 ans. 

 

NNM : L'importance du bien culturel vous a donc marqué ?

 

EK : C'était très impressionnant. Je veux dire que nous avions l'histoire grecque et romaine à l'école, mais la voir et vous savez mettre le doigt dessus, était vraiment très impressionnant.

 

NNM : Cela a donc éveillé en vous un intérêt pour le patrimoine culturel ?

 

EK : Oui !

 

NNM : Et ensuite, qu'est-ce qui vous a amené à l'ICC ?

 

EK : Ah... ce qui m'a amené à l'ICC c’est que j'ai rencontré un Canadien à Glastonbury. Après avoir terminé mes études, je travaillais pour le Chalice Well Trust à Glastonbury. Il est rentré chez lui et je suis venue avec lui et nous avons commencé une nouvelle vie à Ottawa, puis nous avons commencé notre vie ensemble et nous n'avions pas grand-chose et j'ai cherché des meubles usagés et j'ai trouvé beaucoup de meubles victoriens partout, mais j'ai découvert que parfois, dans le fond de la boutique, à cette époque, il y avait du pin, des meubles beaucoup plus anciens et ils étaient tout simplement très beaux. Je les aimais davantage. Ils m'attiraient plus que les meubles de la période victorienne. Je les ai donc collectionnés, mais je me suis rendu compte que je ne savais pas quoi en faire. C'était très bien, j'aurais pu les décaper, mais mon instinct m'a dit que ce n'était peut-être pas la bonne façon de faire et quelqu'un m'a dit qu'il y avait un programme de conservation au Collège Algonquin et je me suis donc inscrite au programme, mais j'avais des enfants. J'ai donc suivi des cours du soir là-bas. Je pense qu'il m'a fallu environ cinq ans pour terminer le programme, mais finalement, quand mes enfants sont tous allés à l'école, j'ai pu profiter de leurs programmes de stages.

 

NNM : Vous étiez donc en train de collectionner des meubles anciens?

 

EK : Oui.

 

NNM : Et cela vous a conduit à un programme de conservation à Algonquin. La plupart des gens iraient à la quincaillerie et diraient: "Comment je nettoie ça?" Qu'est-ce qui vous a poussé à vous investir autant ?

 

EK : Je pense qu'il y a peut-être une différence avec moi et d'autres personnes : c’est le fait d'avoir visité mon père lorsqu’il travaillait comme un historien et cela m’a montré plus de respect, je pense, pour les choses anciennes. J'ai appris que les meubles en pin, c'est ce que les Pionniers avaient au début ! J'étais vraiment intéressée d'apprendre à en prendre soin de la bonne manière.

 

NNM : Et vous... Vous pensiez que ce serait une carrière ?

 

EK : Non, non. Je n'y avais jamais pensé. Je l'ai juste fait parce que j’étais curieuse et j'ai découvert peu à peu que j'aimais vraiment ça.

 

NNM : Et comment avez-vous choisi le domaine du textile comme spécialisation ?

 

EK : C'est le domaine que je connaissais le mieux, c'était donc un cheminement logique.

 

NNM : Comment est-ce que vous en saviez autant sur les textiles ?

 

EK : Eh bien, j'avais fait une formation pour devenir enseignante. C’est là que j’ai suivi des cours d'histoire de l'art et mon père nous emmenait toujours au musée. Ce n'était donc pas une expérience nouvelle, mais je n'avais jamais vu les coulisses d`un musée. C'était donc vraiment... c'était tout simplement merveilleux.

 

NNM : Vous souvenez-vous de la première fois que vous l'avez vu ?

 

EK : Eh bien, la collection de textiles, je l'ai vue lentement parce que, voyez-vous, c'était une époque où les musées nationaux ont commencé à discuter de la construction d'un nouveau bâtiment et de nouvelles expositions, et il y avait une grande volonté de voir comment les immigrants arrivaient et nous avons donc regardé ce qu'ils apportaient comme vêtements et ma famille me taquinait sans cesse parce que je rentrais à la maison en parlant toujours avec excitation d'avoir lavé des sous-vêtements [rires] - de tous les beaux sous-vêtements et de leur construction. À cette époque, quelqu'un de notre secteur a même écrit un article à ce sujet. Mais, les gens disaient de moi : ‘Oh, oui. Ela a un travail. Maintenant, elle lave des sous-vêtements-- elle n'en avait pas assez à la maison.’ [Rires] 

 

NNM : Et vous avez lavé ces sous-vêtements beaucoup plus lentement, non?

 

EK : Beaucoup plus lentement et c'était beaucoup plus compliqué et c'est là qu'ils ont parlé de l'ICC dans le laboratoire textile. Donc j'ai décidé que mon prochain stage, je devrais essayer de l'obtenir à l'ICC et je l'ai fait.

 

NNM : Et c'était en... 1978-1979 ?

 

EK : Oui, je pense que c'est en 1976 ou quelque chose comme ça, que j'ai fait mon premier stage ici.

 

NNM : Vous souvenez-vous de votre premier jour ?

 

EK : Oui, c'était un jour mémorable parce que je suis allé au laboratoire de textiles et il y avait Eva Burnham qui était suisse, que je connaissais auparavant. Mais, c’était la première fois que je rencontrais Sharon Little. Elle était belle et toujours terriblement bien habillée. Sharon m'a regardé de haut en bas. J'avais un haut et une jupe faits maison et elle m'a dit plus tard que mes compétences de couturière seraient de passage, mais que mon choix de tissu était complètement hors de question parce qu'un laboratoire de textiles ne s'occupait que de fibres naturelles et que cela était vrai non seulement pour les objets patrimoniaux, mais aussi pour nos propres vêtements.

 

NNM : Et vous étiez habillée en polyester ?

 

EK : Et j'étais habillé en polyester. Je pensais que c'était du très beau polyester, mais j'ai appris ma leçon.

 

NNM : Est-ce que la place des femmes dans l'organisation a changé au cours de votre carrière ?

 

EK : Je pense que la culture a changé et nous nous sommes senties plus habilitées à dire : "Désolée, nous vous apprenons à coudre un bouton ou un badge, mais c'est là ou s’arrête la coopération".

 

NNM : En effet. Hmm, oui.

 

EK : C'était un peu un problème, parce que quand vous apparteniez au laboratoire de textiles, les hommes étaient portés à penser que nous étions leurs couturières, vous savez, et que s'ils manquaient un bouton sur leur chemise, ils pouvaient venir nous voir. Et vous savez, il a fallu un certain temps pour expliquer que ce n'était pas vraiment notre travail. Je veux dire que nous n'en avons jamais dit autant, mais nous avons peut-être gardé la chemise un peu trop longtemps ou quoi que ce soit d'autre, mais nous étions toujours très conscientes que nous devions, comme l'a dit Sharon Little, avoir l'air "professionnelles mais attrayantes", comme ça ces choses ne nous arriveraient pas. 

 

NNM : ‘Professionnelles mais attrayantes!’ Le laboratoire de conservation n'est pas la place pour un défilé de mode !

 

EK : En principe non, mais ça l'était certainement dans le laboratoire de textiles.

 

NNM : Ouah !

 

EK : Vous savez, personne ne s'est jamais présenté en jeans ou en short ou quoi que ce soit d'autre. En fait, nous avions besoin de cette rigueur parce qu'il est très difficile de demander à quelqu'un de bien habillée si elle peut vous coudre un bouton. 

 

NNM : Oui, beaucoup de choses ont changé par rapport à l'histoire que vous venez de raconter mais, je veux dire, c'est pour cela que nous voulons entendre ces histoires et voir comment les choses étaient avant. 

 

EK : Oui.

 

NNM : D'autres personnes nous ont dit que ces jours-là... l'organisation était, je ne sais pas, comme un adolescent turbulent ou quelque chose comme ça. Elle n'était pas, vous savez, peut-être plus stable comme elle l'est aujourd'hui. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? 

 

EK : Je veux dire, c'était tout simplement merveilleux ; il se passait toujours quelque chose et les fêtes étaient incroyables. Je n'avais jamais rien vu de tel, ils étaient si créatifs et il y avait toujours une certaine rivalité. Vous savez, la créativité et les gens... Vraiment, c'était tout simplement merveilleux et c'était très pointu aussi. Il y avait un certain tranchant. Vous savez, cela a fait rire tout le monde et a fait plaisir à tout le monde, et certaines personnes ont peut-être été légèrement blessées, mais cela valait certainement chaque seconde. Oh! Les compétitions pour Noël : la meilleure décoration, par exemple. C'était juste que c'était vraiment incroyablement agréable et le travail ensemble, les amitiés et les aventures... [Rires] Je ne parlerai pas des aventures, mais il y avait beaucoup de gens qui se sont mariés à l'Institut, donc ce n'était pas... Vous savez, il y avait donc un certain plaisir à être ensemble. 

 

 

NNM : Et ça ressemble à une start-up technologique de nos jours, tout le monde travaille de longues heures et se rassemble.

 

EK : Et vous savez ce qui est stupéfiant... Je ne peux parler pour les scientifiques, mais en conservation, la créativité et la capacité des restaurateurs étaient absolument stupéfiantes ! Je veux dire, la véritable admiration pour le beau travail manuel, c’est ce que c’est en fin de compte. Vous savez, avec les connaissances théoriques évidemment. C'était... vraiment époustouflant. Il n'y avait personne qui aurait pu dire, "Oh. Oh, je pense qu'ils auraient pu faire ça un peu mieux." Tout était parfait à 100 % et je dois dire que j'ai été stupéfaite de voir comment un groupe de personnes pouvait organiser de très bonnes fêtes mais aussi produire le plus beau travail. 

 

NNM : Beaucoup de gens talentueux.

 

EK : Des gens vraiment talentueux et vous savez, avec le talent vient aussi un peu d'individualité parfois, mais je ne me suis jamais vraiment soucié de cela. Vous savez, parce que le résultat final était absolument magnifique.

 

NNM : Je suis curieux de savoir comment l'ICC est passée de ces années d'adolescence folle à l'institution qu'elle est aujourd'hui. Que pouvez-vous nous dire à propos de ce changement ?

 

EK : Dans ce temps-là, on avait plus d’importance au Canada. Je veux dire que nous avions le laboratoire mobile! Désolée de revenir sur ce sujet, mais c'était merveilleux... Même si vous pensez aux débuts de l’organisation. C'est Nathan Stolow qui a eu l'idée de fonder l'ICC. Personne d'autre au monde n'a eu cette idée et je pense qu'on devrait se souvenir de lui pour cette onde cérébrale. C'était excellent et le laboratoire mobile était une chose merveilleuse. C'était très bien pour nous en tant que restaurateurs parce que c'était un véritable test de réalité. Nous étions assis ici, un peu dans une tour d'ivoire, vous savez, à traiter les meilleurs des meilleurs, mais vous savez, nous pouvions dicter la vitesse. Ce n'est pas comme si nous étions dans un musée où ils en ont besoin demain pour une exposition et où il faut traiter l’objet le plus rapidement possible, vous savez ? Ou bien, vous devez vous battre avec le commissaire. Au contraire, ici à l’ICC, nous avions le temps, la paix et les encouragements nécessaires pour faire ce qu’il fallait. Notre travail avait beaucoup d’importance et je suis déçue que ça ne soit pas exactement comme c’était… Mais, c’est juste mon côté nostalgique et il ne faut pas le prendre trop personnellement. Dans ce temps-là, nous avions un impact sur le pays et chaque petit musée connaissait la muséologie. On rédigeait tellement de rapports et chaque petit musée du Canada savait ce qu'est la muséologie et quels sont les besoins en matière de conservation. Nous les avons aidés et nous leur avons donné des conseils et je l'ai fait avec Tom Stone et d'autres ; j'ai été la première et puis on m'a toujours envoyée au Yukon et je suis absolument tombée amoureuse du Yukon ! Vous savez, ce sont les voyages les plus merveilleux que j’ai jamais faits ! Tous les musées du pays nous connaissaient. Ils n'aimaient peut-être pas le gouvernement fédéral et pensait que nous leur disions, "le chèque est dans le courrier », mais nous étions capables de prouver que ce n'était pas le cas, que nous étions là pour aider et leur trouver une solution. 

 

NNM : Je suis heureux que vous ayez mentionné les laboratoires mobiles car nous avons failli ne pas en parler ! Mais, vous souvenez-vous d'un voyage en particulier dont vous avez parlé, au Yukon par exemple? 

 

EK : Je me souviens que j'ai été envoyé avec Jane Holland qui est ensuite allée à l'organisation des musées de l'Ontario [Association des musées de l’Ontario] et nous avons été envoyés dans un musée à Miramichi. Nous étions toutes les deux restauratrices de textiles et nous avons été envoyés là-bas c'était le Musée des scies à chaîne. [Rires] Ils étaient très gentils parce qu'ils nous ont regardés de haut en bas et ont dit : "Oh, ces deux filles ne savent rien de la tronçonneuse." Et ils avaient absolument raison, mais vous savez, mais nous avons quand même pris les mesures environnementales du musée. Avec ça, on pouvait obtenir, grâce à nos scientifiques, une recommandation pour la meilleure humidité relative pour les scies à chaîne et si elles doivent être huilées ou non. J'ai dit qu'autrement, nous pourrions nous asseoir et leur coudre des petites housses en coton pour les tronçonneuses, mais nous ne sommes pas sûrs que ce soit d'une grande utilité. Ils nous ont même emmenés dîner après, ils ont reçu un rapport et la prochaine fois, je pense que quand quelqu'un a été envoyé là-bas… 

 

NNM : Ils ont envoyé quelqu’un qui en savait plus sur les tronçonneuses ?

 

EK : Il en savait plus sur les tronçonneuses que nous deux. Donc ces choses-là arrivaient parfois.

 

NNM : Vous voulez peut-être nous parler d'un des projets sur lequel vous avez travaillé et qui était très important pour vous ? 

 

EK : Tout d'abord, je dois vous dire - comme base - et cela a été reflété sur nos traitements, que lorsque je commençais en conservation, il existait un conflit dans le domaine de conservation des textiles. D’un côté, il y avait Sheila Landi au Victoria and Albert Museum qui avait décidé de coller des textiles et ils avaient de textiles anciens, et puis il y avait Mme Flury qui méprisait absolument la colle et quand ces deux personnes se rencontraient ou que leurs disciples se rencontraient lors de conférences, ils ne se parlaient pas. C'était une rupture sérieuse et quand je suis venue ici, nous avons suivi la méthode de Mme Flury, qui consistait à coudre avec du fil de soie, à mettre des choses sur de nouveaux supports et à laver les textiles. Quoi qu'il en soit, cela a toujours bien tourné, mais le problème a commencé lorsque les Européens ont commencé à collectionner des textiles à partir des années 1850 et ce sont ces textiles qui ont eu de sérieux problèmes, parce que la révolution industrielle avait découvert de nouvelles méthodes chimiques. Ils utilisaient des colorants qui n'étaient pas stables. Tous les colorants précédents étaient généralement stables, mais ces nouveaux colorants étaient complètement instables. Ils ont ensuite découvert que si vous traitiez les soies chimiquement, vous pouviez augmenter leur poids et cela est devenu terriblement important parce que les textiles étaient vendus non pas au mètre, mais au poids et l'industrie textile gagnait donc beaucoup d'argent en les traitant chimiquement. De plus, il y avait les costumes qui étaient particulièrement lourds. Les soies faisaient un bruit merveilleux quand on marchait quand elles avaient été traitées chimiquement et donc elles apparaissaient dans les collections canadiennes. Le vrai problème sérieux et c'était qu’on ne pouvait pas les coudre. On pouvait rien faire, parce que les fibres étaient tellement dégradées qu’en essayant de les coudre, elle ne se cassaient pas, elles se transformaient tout simplement en poussière. On ne pouvait donc pas les percer avec une aiguille et les collections canadiennes étaient pleines de ces textiles. Les Européens ont commencé à les collectionner, mais ils avaient tellement de retard dans leurs vieux textiles qu'ils ne les considéraient pas comme sérieux. C'est donc à ce moment que Jane Down a commencé ses recherches sur les adhésifs et que nous nous sommes réunies. Au moins, elle était vraiment intéressée de voir ce que faisait les restaurateurs et comment elle pouvait aider. Elle a donc lancé son projet sur les adhésifs et nous lui avons demandé d'inclure les textiles dans son programme de recherche des adhésifs et c'est ce qui a vraiment sauvé nos traitements.

 

NNM : Ce changement a-t-il été difficile parce que vous étiez des disciples du monde "sans adhésifs" ?

 

EK : Oui ! Mais, c’était la première fois qu’on ne pouvait pas les coudre! Vous comprenez ? Il n'y avait pas moyen! Sinon, on n’aurait pas fait un traitement adhésif si on pouvait coudre les tissus.

 

NNM : C'était donc une occasion pour l'ICC d'innover en matière de conservation ? 

 

EK : Oui, oui, et nous avons commencé à le faire, et c'était merveilleux parce que les scientifiques étaient en contact avec beaucoup de musées, surtout avec les Européens et les Américains. Personne ne voulait traiter les drapeaux et c'est devenu un peu ma spécialité et chaque musée a des drapeaux et s'il y a un directeur de musée qui est un homme, il demandera la conservation du drapeau avant de demander un costume. Vous savez, il y avait des drapeaux de commerce et des drapeaux de pompiers et elles étaient tous faits de soie chargée. 

 

NNM : Alors, comment l'ICC s'est-elle organisée autour de ce problème ?

 

EK : Eh bien, Jane s'en est chargée. Nous étions très enthousiastes là-dessus et l'ICC m'a même envoyé en Suisse où ils avaient fait un traitement différent de celui de Sheila Landi et ils avaient traité un certain nombre de drapeaux. J'y suis donc restée quelques semaines et j'ai regardé tous leurs secrets et je les ai tous obtenus pour l'ICC. Ça ne les dérangeait pas du tout. Ils savaient que je le faisais et puis nous avons testé leurs adhésifs et ainsi de suite, au fur et à mesure de leur développement - parce qu'il n'y a pas que l'adhésif qu'il faut pouvoir manipuler. Il doit soutenir le tissu mais ne doit pas être absorbé par le textile parce que sinon, vous avez un objet en plastique. 

 

NNM : Tout à fait, oui.

 

EK : Donc nous avons travaillé ensemble et on nous a demandé de donner des conférences, et puis j'ai donné des conférences et Jane Down a donné des conférences et puis, lentement nous avons fait comprendre aux Européens qu'il y avait une réponse aux problèmes qu'ils avaient ignorés et puis nous avons finalement mis fin à cette lutte entre les deux groupes. De cette façon, nous avons fait la paix. C’est vrai que tout le monde pensait toujours que leur façon de faire était la meilleure, mais vous savez, il y avait une certaine compréhension, mais elle était toujours teintée de jalousie parce que nous avions le seul institut où les scientifiques et les restaurateurs travaillaient ensemble et tous les ateliers que nous donnions à l'ICC, vous savez, les scientifiques étaient impliqués et ils étaient là et nous avons parlé des propriétés de manipulation et... mais la jalousie de l'ICC, d'être le seul endroit au monde où les restaurateurs et les scientifiques travaillaient ensemble quotidiennement. Je veux dire que beaucoup d'entre eux avaient des liens avec les universités, mais ce travail quotidien en commun et les conflits intellectuels parfois. « Vous savez, oui, chimiquement, c'est le meilleur adhésif, mais je ne peux pas le manipuler! Vous savez, je ne peux pas l'appliquer. Il ne fonctionne pas correctement. Il raidit l'objet ou quoi que ce soit. » Les discussions étaient différentes dans chaque laboratoire. Finalement, pendant cette période, nous avons beaucoup ajouté à la réputation de l'ICC, tout en faisant des jaloux. 

 

NNM : C'est vraiment intéressant qu'un point de tension entre les restaurateurs et les scientifiques soit en fait considéré comme une force partout ailleurs dans le monde.

 

EK : Une véritable force.

 

NNM : Oui.

 

EK : Vous savez, les tensions venaient plus souvent de problèmes administratifs, que de problèmes de savoir-faire parmi nos collègues, et ça s'est beaucoup amélioré, vous savez.

 

NNM : Donc, nous allions parler de l'un des objets en particulier qui se distingue pour vous. 

 

EK : Eh bien, je pense que la première était assez amusante parce que c'était la robe de mariage de Lucy Maud Montgomery et c'était très, vous savez, c'était juste historique et tout et j'ai aimé quand nous l'avions terminée, qu'Air Canada nous ait donné un siège pour la robe, pour la ramener à la maison avec Eva Burnham [rires] et je pense que même dans leur magazine, il y avait le traitement de la robe de Lucy Maud Montgomery par l'ICC et comment Air Canada l'avait ramenée dans sa propre province. Donc c'était amusant. L'autre était le drapeau de Carillon et le drapeau de Carillon... Le problème avec le drapeau de Carillon, c'est qu'elle n'a jamais été un bel objet mais sa signification compensait absolument son manque de beauté. 

 

NNM : Qu'est-ce que c'est que ce truc ?

 

EK : Ça date du milieu de l'année 1735, je crois. C'était pendant la bataille des plaines d'Abraham et il a été transporté dans la bataille, ce dont je doute un peu, car il était absolument énorme. Vous savez, il faisait plus de deux mètres de haut. C'était une grande chose et au milieu il y avait l'image de la Vierge et dans chaque coin, il y avait la fleur de lys et ils étaient le symbole et qui est restés le symbole du Québec et cela venait de ce drapeau. C'était la première fois que ces symboles étaient utilisés et apparemment, ils ont été aux portés au combat et le cape de la Vierge Marie a été touchée par un gros canon et en fait, la plus grande partie du cape de la Vierge Marie et sa silhouette, ont disparues parce qu'un boulet de canon l'a traversé. Eh bien, c'est ce que l'histoire racontait, mais vous savez que pour faire passer quelque chose en plein milieu du textile, il aurait fallu tenir le textile fermement aux quatre coins, sinon le textile se serait abîmé, mais un trou précis... ? Quoi qu'il en soit, c'est une histoire merveilleuse et finalement, le mythe est plus important que la réalité. Ce drapeau a été porté je pense près de 100 ans dans des parades de la Saint Jean-Baptiste et quand il a commencé à tomber en morceaux, les bonnes sœurs ont dit : "Oh ! nous le réparerons". Et elles ont collé avec de la fécule de pomme de terre sur un nouveau support en soie, puis il a été porté à nouveau et il avait l'air très abîmé parce que même le support en soie a cédé et elles ont perdu de plus en plus de morceaux. Alors, elles ont enroulé le drapeau et l'ont quand même porté dans les parades et il est resté enroulé. Puis il y a eu des restaurateurs au Musée de la civilisation à Québec et ils ont décidé qu'il fallait le dérouler. Je ne sais pas s'ils ont été déçus, mais ils ont fait une demande à l'ICC et nous avons donc dû procéder de manière très laborieuse pour dérouler lentement le drapeau, puis nous avons dû enlever le support que les religieuses avaient ajouté, parce qu'il était complètement déchiré aussi. Et donc je pense que cela m'a pris... Cela nous a pris en fait, cela nous a pris quelques mois pour dessiner... pour utiliser des superpositions et dessiner exactement où se trouve chaque fragment, parce que nous savions que lorsque nous enlèverions le dos, il serait très difficile de, vous savez, de garder le fragment exactement à l'endroit où il se trouve. Nous avons donc fait cela, puis nous avons dû enlever l'amidon des fragments pour que tous les fragments se transforment - la seule comparaison que j'ai - en petites pelures de tomate. Vous savez, quand vous épluchez une tomate après l'avoir trempée dans de l'eau chaude ? Elle se recroqueville. C'était donc un processus lent et douloureux, et puis nous avons eu le vrai problème : le drapeau était d'une telle importance historique que nous avons dû trouver le traitement qui était complètement, totalement réversible. Ainsi, dans 50 ou 100 ans, quelqu'un qui en sait plus que nous pourrait traiter le drapeau sans aucun problème.

 

NNM : Ce qui revient essentiellement à aider les futurs restaurateurs à défaire votre version de la colle de fécule de pomme de terre.

 

EK : Oui, nos pelures de tomates, exactement ! Season Tse et Helen Burgess nous ont beaucoup aidés et ont trouvé un moyen de le faire, mais à cause de la réversibilité, vous savez qui est l'un des principes de la conservation, nous avons pensé que dans ces circonstances, elle devait être vraiment, complètement réversible. N'importe qui devait être capable de l'inverser plus tard, alors nous avons conçu un traitement où nous avons pris le drapeau en sandwich, entre deux couches de tissu : la couche inférieure qui était en soie, qui était teinte et de la couleur originale du drapeau et ensuite nous l'avons recouverte de "Stabletex" et puis le support en soie, ensuite avec le dessin, qui indiquait l’emplacement de tous les fragments qui étaient tous numérotés en petits groupes. 

 

NNM : Combien de morceaux y avait-il ? 

 

EK : Vous savez, je me suis empêché de compter parce que j'aurais probablement quitté mon travail à ce moment-là ! [Rires] Non, mais ils étaient minuscules, peut-être que le plus gros faisait un centimètre et demi. 

 

NNM : Quelle a été la durée du projet ? 

 

EK : J'ai même effacé de mon esprit le nombre d'heures qu'il a fallu. 

 

NNM : Mais ce sont des mois, des années ?

 

EK : Oh, des mois ! Mais, d'autres choses sont arrivées aussi, mais je pense que le drapeau a passé bien plus d’un an au laboratoire de textiles et c'était énorme, il a fallu plusieurs tables. Donc, finalement, nous avons pris en sandwich les fragments entre un nouveau support, puis la crêpeline de soie et le "Stabletex" qui devait également être teint, vous savez, pour qu'il n'ait pas l'air différent, puisque nous avons cousu autour de chaque fragment. Nous avons donc créé une poche autour de chacun des fragments. Pour qu'ils restent là et ne perdent pas leur position mais... 

 

NNM : Et il n'y avait pas de colle !

 

EK : Et il n'y avait pas de colle! Si vous le regardiez de côté, il avait l'air un peu matelassé. Mais, tout aurait pu être décousu et vous auriez tous les fragments de retour.

 

NNM : Comment vous êtes-vous senti lorsque le projet a été terminé ?

 

EK : C'était un jour glorieux. Il y avait un manchon sur le dessus et je me souviens que nous étions dans la salle où les artefacts entraient et sortaient. Il y avait une mezzanine là-haut parce que le plafond est très haut. Nous étions donc tous allongés sur cette mezzanine pour coudre la manche du haut sur le drapeau et il faisait chaud et je pense que nous avons finalement enlevé nos pulls et puis après un temps même les t-shirts sont partis.

 

Quand tout était terminé, une chose amusante, c'était qu’une de nos stagiaires est venu nous rendre visite d'Allemagne. Elle est aujourd'hui à la tête du laboratoire de conservation de la plus grande collection textile d'Allemagne au Musée national de Bavière. 

 

Elle est venue... 2014, je crois, environ sept ans après que j’avais pris ma retraite et elle est venue nous dire : "Oh ! Viens, Ela, nous allons à Québec et nous regardons à nouveau ce monstre, nous l'admirons et nous voyons ce qui se passe". Je veux dire, sept ans, c'est déjà beaucoup et il n'a jamais été exposé non plus. Donc, nous avons décidé d’aller le voir et Charlie Costain a tout arrangé pour notre visite. Deux restauratrices avec un regard critique n'est pas une bonne chose, mais nous étions toutes les deux d'accord : le drapeau tenait très bien et compte tenu des conditions préalables et tout ça, le traitement était certainement un succès.

 

NNM : L'ont-ils jamais sorti pour une autre parade ?

 

EK : Non. Oh, ils ne pouvaient pas, je veux le dire.

 

NNM : Était-ce émouvant de le revoir après si longtemps ?

 

EK : Oui, oui, c'était un peu comme, vous savez, une fin ? Pour que je n'en rêve plus et je veux dire que c'était très bien, parce que cela a vraiment mis notre patience à l'épreuve et cela a prouvé que l'on peut faire un traitement complètement réversible. Je veux dire, en considérant l'importance du drapeau, c'est en fait ce qu’il méritait et rien de moins. De ce point de vue, c'était donc un traitement réussi, très réussi. 

 

NNM : C'est une belle histoire. Oui, c'est vrai. J'adore ça.

 

EK : L'autre artefact que j'aimerais voir, mais juste pour une raison sentimentale, c'est la tenture de Gondar du Musée royal de l'Ontario (ROM), ça c'est un artefact mondialement connu qui vient d'Éthiopie. C'était un butin de guerre qui n'est pas vraiment autorisé, mais il a été pris par l'armée britannique à l'époque et il... Je ne sais pas quand tout cela est arrivé, mais il y a un certain temps, et de toute façon, le Royal Ontario Museum a demandé un traitement de conservation et c'était une grande responsabilité, parce qu`elle était absolument magnifique. Cette tenture, elle était très grande aussi, et tous les historiens de textile du monde entier connaissent cette tenture parce que le tissage de tablettes est un style de tissage très spécial. Elle est généralement utilisée pour les ceintures fléchées. Ils ont utilisé cette méthode ou une méthode similaire mais de façon énorme. Nous avons donc fait appel à un conservateur du Metropolitan Museum et les spécialistes du ROM étaient déjà là, et je pense que même Helen Burgess et Season Tse étaient là et nous avons parlé du traitement, en fait, nous les avons laissés nous dire quoi faire, puis nous avons décidé ce qui pouvait être fait et ce qui ne pouvait pas l'être, et de toute façon, nous avons décidé qu'il fallait la laver parce qu'elle était très, très sale. Elle a été suspendue pendant de nombreuses années, probablement des siècles dans une église.

 

NNM : Pouvez-vous décrire à quoi cela ressemblait ? 

 

EK : C'était tissé. C'était aussi - je ne me souviens pas mais c'était aussi au moins 2 mètres de large et il y avait de belles combinaisons de couleurs qui le traversaient et puis des figures et des symboles partout. Il avait donc une signification profonde et même l'historien de l'art du Metropolitan n'était pas tout à fait sûr de la symbolique de l'ensemble de l'artefact. Bref, Stephan Michalski... et c'était très amusant parce que nous avons dû lui faire construire une énorme table de lavage et je pense qu'il a utilisé son moteur pour le chauffage de sa maison pour motoriser la table de lavage. Il était très inventif et merveilleux et il a créé cela et c'était amusant de travailler avec lui. Il avait un bon sens de l'humour et nous avons même fait venir un dessinateur technique pour enregistrer chaque étape de l'invention de Stefan, qu'il a inventée pendant qu'il construisait, vous savez, et de toute façon. 

 

NNM : Et c'était... la table de lavage était aussi grande que le textile ?

 

EK : La table de lavage était aussi grande que le textile, avec un espace libre autour.

 

NNM : Nous l'avons examinée ce matin dans le cadre des recherches et je pense qu'elle mesurait deux mètres sur cinq ou quelque chose comme ça, 

 

EK: Ça aurait pu l’être oui, désolée.

 

NNM : Énorme.5,2 mètres par 2,1 mètres. [Rires] 

 

EK : C'était encore une fois gigantesque, mais par chance il se trouvait que nous avions eu des employés occasionnels et des stagiaires en même temps. Nous devions obtenir de l'eau spéciale, vous savez, et Helen Burgess nous a aidé à mettre tout cela en place et chacune de ces personnes avait un travail et cela a très bien fonctionné. Chacun a donc fait ses recherches dans son propre domaine et nous nous sommes tous réunis de façon régulière en disant : « Eh bien, j'ai besoin de si ou de ça et je... cela ne peut pas être fait et comment rincer le textile ? Comment faire sortir l'eau assez vite sans exercer une trop forte pression sur elle ? » Tout cela ! « Comment relier l'eau à la table de lavage ? » Et c'était un énorme travail de préparation. 

 

NNM : On dirait que ce genre de travail d'équipe est vraiment quelque chose dont vous vous souvenez avec plaisir.

 

EK : J'ai bien aimé ! C'était vraiment bien et c'était agréable parce que tout le monde se sentait responsable de sa part, tout le monde savait exactement quelle était sa contribution, il n'y a jamais eu de problème et personne ne disait : "Eh bien, je suis désolé. C'est une bonne idée, mais elle ne fonctionne pas tout à fait avec ce que j'avais prévu. Vous savez, parce que ce sera là, il y aura des tuyaux dans le chemin de tout ce que vous voulez, et c'était vraiment productif. Et puis le grand jour est arrivé, et le bassin spécial a été préparé et le Gondar y a été lentement descendu. Je pense que même Chuck Gruchy est descendu pour voir ça. Je veux dire que le laboratoire était soudainement plein, ce qui m'a rendu un peu nerveuse. Vous savez, je ne voulais pas non plus... Nous avions besoin de beaucoup d'espace et les gens qui se tenaient debout et qui faisaient "ooh" et "ah" n'étaient pas très utiles pour s'assurer que tout le monde était concentré sur ce qu'il y avait à faire, mais tout s'est déroulé sans problème. Dès qu'il a été mouillé, le laboratoire s'est rempli d'une odeur d'encens. C'était juste... c'était juste magnifique ! 

 

NNM : Parce qu'il avait été exposé à de l'encens ?

 

EK : Il a été exposé dans l'une de ses églises européennes qui sont en fait taillées dans le roc. Elles sont découpées du haut vers le bas de toute la structure et il n'y avait donc pas de vent frais qui soufflait à travers l'église de temps en temps, parce qu'elle est souterraine. Elle n'est pas souterraine. Il y a une ouverture autour de l'église, mais tout est construit de haut en bas et elle a dû rester là pendant des années. Bref, et puis tout le monde... C'est devenu un vrai projet de l'ICC parce que tout le monde est venu au laboratoire textile et a vérifié comment nous nous en sortions et comment le Gondar se portait et il a dû... nous avons dû le fixer à lui-même, avec des points de suture, parce qu'il était cassé à certains endroits et il a fallu tout faire sur un pont et Janet et Renée étaient des anges absolus. Elles ont continué à le faire et elles ont été... Je veux dire qu'elles sont de merveilleuses restauratrices. C'était tout simplement parfait. 

 

NNM : C'est très exigeant physiquement parce que vous devez vous allonger sur le ventre et vous pencher, n'est-ce pas ? 

EK : Et sur le ventre, vous savez combien de temps? Et sur les bras, vous savez que la circulation est coupée. C'était vraiment bien et elles sont toutes les deux si bonnes que c'était un tel plaisir de travailler avec elles. Elles étaient... oh et les stagiaires aussi. C'était vraiment un puissant... et Jan Vuori était là et elle devait remplir un trou ; il y avait un trou, de toute façon. C'était tout... c'était une grande chose. Janet Wagner et Renée Dancause. Oui, elles sont toujours là et elles sont juste... Vous savez, elles sont toutes les deux très silencieuses, mais Dieu qu'elles sont de parfaites restauratrices et c'est une chance quand vous avez ça. Elles sont bien meilleures que je ne l'ai jamais été, toutes les deux. Elles sont absolument parfaites. 

 

NNM : Peut-être que nous n'avons pas... une chose dont nous n'avons pas encore parlé est : avez-vous eu des mentors à l'ICC ? 

 

EK : Oui, j'ai eu des mentors. Je veux dire, vous savez, des mentors indirects tout le temps, parce que j'ai appris non-stop ici. Je suis désolé, avec l'âge, j'oublie un peu parce que j'ai fait d'autres choses après avoir quitté l'ICC, mais c'était juste... Je veux dire que vous apprenez des uns des autres et des scientifiques et c'était tout simplement merveilleux et je pense particulièrement agréable. J'ai beaucoup aimé Ray Lafontaine, qui était très patient et je pense qu'il avait un très bon feeling pour la conservation. Il pouvait voir que ce qui se passait dans ces laboratoires était vraiment étonnant et bon. Quoi qu'il en soit, Charlie a été merveilleux, parce que lorsque nous avons réorganisé l'ICC, j'ai travaillé en étroite collaboration avec Charlie et nous nous sommes très bien entendus, parce que Charlie est une personne très organisée et qu'il écrit de très beaux mandats. Je peux en témoigner et je pense que j'ai davantage tenu compte des besoins psychologiques des restaurateurs de l'Institut à l'époque dans notre planification, notre réorganisation et la rédaction des termes de référence ou quoi que ce soit d'autre, ou nous avons eu des réunions avec tout le monde ; nous nous sommes séparés en différents groupes et avons dû prendre des décisions sur certains domaines et de toute façon, cela a très bien fonctionné. Charlie et moi avons très bien travaillé ensemble, c'est du moins ce que je pensais. J'ai donc beaucoup profité de Charlie, de son sens de l'organisation.

 

NNM : Y a-t-il autre chose dont vous aimeriez parler ?

 

EK : Je dois dire que je suis en général - et c'était la dernière chose avant que je ne parte d'ici. Oh ! oui, nous avons eu la conférence sur le textile. C'était assez amusant.

 

NNM : Oui, c'était tout récemment, en octobre, la conférence NATCC? [North American Textile Conservation Conference]

 

EK : Eh bien, non, parce que cela a commencé il y a 20 ans. J'ai fini avec un big bang. Au cours de ma vie professionnelle, j'ai rencontré beaucoup de restaurateurs américains, des restaurateurs de textiles et nous avons tous déploré le fait que nous n’avions pas notre propre conférence. Nous avons dit que nous avions besoin de notre propre groupe. Nous avons donc fondé le North American Textile Conservation Group et nous connaissions déjà quelques Mexicains qui travaillaient au Metropolitan Museum, donc nous avons eu un comité directeur et nous avons décidé... parce qu'à l'époque l'ICC était... et le gouvernement était en fait assez généreux. L'argent était un problème, mais jamais un vrai problème. Ils ont donc pensé que c'était une excellente idée et la première conférence a eu lieu ici à Ottawa et nous avons accueilli des gens de partout, la Russie, les Philippines et le Japon. Je crois qu’ils venaient de partout et c'était une très grande conférence. Nous l'avons tenue au Musée des beaux-arts du Canada. En tout cas, ce fut un grand succès et c'était mon dernier grand hourra et j’ai pris ma retraite par la suite. Vingt ans plus tard, en septembre, ils sont retournés à Ottawa et on m’a forcé à prononcer le discours principal devant ce groupe et c'était tellement agréable de voir que ces choses survivent et Janet Wagner et René Dancause l'ont organisé jusqu'au dernier détail et cette conférence a été à nouveau très réussie. 

 

NNM : C'est merveilleux.

 

EK : C'est très bien. 

 

[Musique: “Here’s Where Things Get Interesting” de Lee Rosevere, de l’album Music for Podcasts 6. Style : minimalisme électronique]

NNM: Merci à Ela Keyserlingk et mon co-animateur, JP Davidson. 

« L’ICC et le RCIP se racontent » est une production de l’Institut canadien de conservation, Ministère du Patrimoine canadien.

Notre musique a été composée par Lee Rosevere.

Voix hors-champ par Marguerite Nadeau.                                                                                                  

Aide à la production par Pop Up Podcasting.